Livre de Vie : Inde
Bombay . Cette ville me tuera .
Cela fait maintenant 8 mois ; Non, un an que j'y traine mes guetres comme le dernier des pauvres paumés blanc que l'on rencontre en Inde .
Voyage d'agrément .... Connerie oui .
La vie ici vous brise comme une brindille, et pourtant il est impossible d'en partir . Impossible de retrouver la vie d'avant, le travail, la propreté, le silence .
13 mois maintenant que cette machine en explosant m'a privé de la vue du coté droit, mais m'a ouvert les yeux . Défaut de fabrication . Accident de travail .
Putain d'accident de malchance oui .
La rente est largement suffisante pour survivre dans le plus misérable des hotels perdu entre bordels et revendeurs étranges , sorte d'apologie de la démerde . On y trouve tout ce que l'on veut, du lance roquette au peroquet, sans oublier la drogue, et les putes . Tout ce qu'ils demandent tient en ce mot magique , qui ouvre toutes les portes et vous laisse à jamais étranger . Dollar .
Ma malédiction, mon péché et ma bouée de sauvetage .
plus rien à faire, plus rien à vivre . la chaleur me tue moins que leur religion fataliste et rigide à en pleurer.
Ils sont soit trop intelligent, soit illétrés . impossible d'avoir une discussion , ils vous voient venir et ne font qu'une bouchée de vos véléitées narratives . Vous n'êtes qu'un Dollar et rien de plus .
Fataliste ? comment ne pas le devenir quand il faut incéssement ce defendre sous peine de perdre le peu d'humanité qui me reste encore .
Allongé sur mon lit, je n'en peux plus . Le ronflement du ventilateur n'arrive qu'à peine a couvrir le vrombissement des mouches, et ne fait que remuer la puanteur moite de cette fin de mousson .
Sortir . Fouiller ses poches et trouver un vieux billet de 5 dollars pour se payer une biere et une fille . Je la veux blonde et fraiche .
La biere évidemment .
Les marches grincent sous mes pas tandis que je boite dans les escaliers .
Je me croise dans un vieux triangle de miroir cassé .
Je fais peur . Ma barbe autre fois blonde n'est plus qu'un amas de fils de fer sans âme . La cicatrice me defigurant ne rendant que plus tangible le bleu de mes yeux .
Oui, j'étais beau . avant qu'un an de misére ne me fasse ressembler à un mauvais pirate de série B .
Deux pas dans la rue et mon genou me fait déja souffrir . Deux gamins piaillent en se disputant un balon troué remplit d'un vieux linge . Cela pue la misére et l'insouciance, je suis à deux doigts d'en vomir .
Tian Yin . Je ne sais pas ce que celà veut dire, et le vieux Tian ne le sait pas non plus . Pourquoi ce nom emprunté a un décors bien plus chinois qu'hindou ? je ne le saurait surement jamais . Je voit une lueur de convoitise lorsque j'entre dans sa boutique . Il rajuste son turban d'une voix sure, et prononce d'un anglais poli par des années de commonwealth les formules alambiquées tirées d'un autre temps .
Je n'en ai que faire, et mon geste de la main le fait vite comprendre .
Il se renfrogne .
Il commence a me connaitre . je ne suis pas un riche étranger, juste un paumé . Et je commence a le connaitre lui aussi . Au diable sa vérole et sa Biere coupée .
Il me montre une caisse soit disant à peine ouverte, dont les clous rouillés et tordus seraient une preuve suffisante pour faire remonter le breuvage à la deuxieme guerre mondiale . Mais il me fait payer 10 fois moins cher qu'une bouteille dans le Marais, alors je lui en prends trois .
Je le salue d'un air las, la fille m'attend déja à l'hotel .
La remontée des marches est encore pire qu'avant . Je fais sauter la capsule avec les dents et la recrache dans les escaliers, avant de boire une longue gorgée . Le liquide me brule de fraicheur et d'acidité . immonde salopard . je lui ferai boire tout son stock si il me redonne un tel poison . Deuxieme gorgée, et je m'habitue . L'homme s'adapte à tout . Même à la crasse, même à la médiocrité , même à sa propre déchéance .
Je juge la fille comme je l'ai fait il y a un instant pour la biere .
Sans pitiée, je l'ai payée et n'en ai plus rien à faire .
Elle est svelte . normal, vu ce qu'elle doit avoir à manger ...
Je lui fait comprendre par signe qu'elle doit se deshabiller . Et j'attaque ma deuxieme biere .
Elle commence un simulacre de Strip Tease que je fais césser immédiatement . Je ne suis pas là pour ça. Assez de simulacres . Ses mains sur ma ceinture . Malhabile, elle commence à me redouter . qu'on en finisse . je la jette sur le lit et la prend, sauvagement . Le contact de sa peau douce me surprend . Inatendu, presque violent . Je la hais d'autant plus pour cela . D'une main , je lui tire les cheveux , pour l'entendre crier, et me penche sur sa croupe . Les bruits sont habituels dans l'hotel , et les clients ne viennent pas ici pour le standing .
Le nez dans ses cheveux, je ne voit plus rien . l'odeur de sa nuque me fait défaillir, souvenirs m'abordant avec la puissance d'une bombe . J'en prends plein la gueule, je suffoque, voit des lumieres etranges apparaitre dans le coin de mes yeux . Toute une année de saloperie qui me revient dans la tronche sous forme de mauvaise conscience . J'en vascille, lui lache les cheveux . Elle me regarde , supris, porter les mains à mon visage . Une larme sur sa joue, et pourtant, elle me plaint . j'en pleurerai si je savais encore comment faire .
Je me retire d'elle, et m'assied sur ce lit miteux, a moitiée nu, drapé de ma santé mentale en lambeau . Je vois double , triple, comme une cuite au champagne sans les petits fours . Elle passe une main dans mon dos, me caressant d'un geste . Je m'effondre, et pleure sur ma putain d'existence .
Elle me masse, en silence, associée silencieuse dans mon temoignage de la décadence de ce monde .
Je me prenais pour une victime, elle ne l'est pas .
Et je continue doucement à pleurer, toutes les larmes de cet oeuil qui ne s'ouvrira plus, je pleure ma séduction, ma vie future, mon innocence . l'intelligence est le pire des fardeau, la pire des plaies, et la culture n'est que sel sur cette blessure .
Dans sa comprehension simple, elle est belle . Je me retourne , et lui fait peur . Elle pense que je suis revenu . mais je n'existe plus, suis autre . je lui prends doucement la taille , et monte ma main doucement vers ses seins, tout en lui parlant doucement .
Dans les rues de la ville, il y a mon amour. Peu
importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus
mon amour, chaqu'un peut lui parler. Il ne se souvient
plus ; qui au juste l'aima ?
René Char, premiere strophe d'allégeance . Pourquoi lui , pourquoi maintenant . Je ne veux pas le savoir . et je continue à reciter, doucement, tout en massant délicatement la pointe de ses seins . Elle est mate de peau, et velle, je m'en apercoit maintenant . Dans sa nudité, elle à la grace d'une reine . Et je m'énivre de la savoir dans mes bras, princesse mythique d'une histoire sans pareille, je l'imagine amoureuse folle de l'aventurier borgne que je suis . Je divague et me laisse faire . Que ma joie demeure , c'est tout ce que je demande . Elle sourit, et ses dents nacrées me font perdre la tête . Une femme de Tyan, aussi belle, que se passe t'il, je sombre, non, je m'envole . je lui caresse le menton pendant que ses mains m'enserrent . elle se penche et m'acceuille en elle, en souriant .